On la fit passer pour la sœur de son fils, qui conçut de sa naissance déniée une certaine idée de la fiction. Elle s’appelait Marguerite Toucas-Massillon et on inventa pour l’enfant le nom de Louis Aragon. S’il a plusieurs fois parlé de son père, il ne l’a évoquée, elle, que par allusions. Nathalie Piégay, qui a
beaucoup écrit sur lui, a entrepris de rendre visible cette femme oubliée. Réduire Marguerite à la maternité d’un écrivain célèbre, c’est nier qu’elle fut une jeune femme, belle, intelligente, artiste, qui succomba aux avances d’un homme marié et puissant, préfet de police et ami de Clemenceau. C’est aussi oublier qu’elle se fit romancière comme son fils-frère et désormais confrère. Nathalie Piégay reconstitue avec brio et délicatesse les étapes de cette vie, la pension de famille qu’elle tenait avec sa mère, la naissance et l’enfance de « Loulou », le mensonge, les occasions manquées, et la fin solitaire où elle corrige son dernier roman : Sous le masque.
Une femme invisible Nathalie Piégay, Éditions du Rocher, 348 pages, 19,90 euros