Société des Amis
de Louis Aragon et Elsa Triolet
Librairie
Biographies - essais
Aragon, un destin français
de Pierre Juquin
«La première fois que je vis Aragon chez lui, en tête à tête, il m'avait embouscaillé dans un fauteuil profond couleur boue des tranchées. Il marchait de long en large sur ses longs fuseaux, me guettant. Il parlait, parlait... Chacun de nos entretiens, pendant vingt années, fut long et ne dura pas, comme écrivait Diderot... A notre dernière rencontre, peu de temps avant sa mort [...], il improvisa soudain un texte surréaliste, l'un des plus beaux que j'aie jamais entendu. Une forme parfaite jaillissait de son cerveau. N'eût-il pas été engagé dans le combat politique, il n'en serait pas moins l'un des plus grands écrivains français.»
Le destin et l'oeuvre de l'auteur d'Aurélien et de la saga du Monde réel, du Paysan de Paris, de La Semaine sainte, du Roman inachevé, du Fou d'Eisa, à la fois acteur important de l'histoire contemporaine et immense poète, avec cela romancier, journaliste, essayiste, critique d'art, historien même (de l'Union soviétique), font partie de notre patrimoine commun. Devant Victor Hugo, il est le poète français le plus mis en musique, et par un grand nombre de compositeurs...
Pierre Juquin a mis au jour des inédits et des introuvables, dépouillé des archives et des collections, recueilli d'innombrables témoignages, exploré les documents qu'Aragon et Eisa Triolet - couple mythique - ont légués à la France. Il est allé jusqu'à arpenter l'herbe des champs de bataille où le médecin auxiliaire Aragon a participé aux deux guerres mondiales, avant de devenir un dirigeant de la Résistance nationale. Une monumentale et passionnante enquête qui ne laisse dans l'ombre aucune énigme, familiale, politique, littéraire ou même intime, pour livrer cette somme qui fera référence, tout en se lisant comme un roman : roman d'un témoin d'exception, roman d'un siècle, il vous surprendra jusqu'aux dernières lignes.
Aragon
de Philippe Forest
Aragon s'est beaucoup raconté, en prose et en vers ; il n'a cessé d'appliquer avec virtuosité le principe du "mentir vrai" à sa vie riche déjà de tant d'énigmes et de paradoxes : enfant illégitime à qui le secret de ses origines fut longtemps caché ; antimilitariste décoré de la Grande Guerre puis médaillé de la Résistance ; dandy dadaïste devenu militant discipliné du parti de Staline et de Thorez ; poète surréaliste converti au réalisme socialiste ; homme à femmes - et quelles femmes ! - métamorphosé en chantre de l'amour conjugal, avant de découvrir sur le tard le goût des garçons... Tous ces personnages différents n'en font qu'un seul dont l'itinéraire littéraire, intellectuel et politique transcrit le génie et le chaos du siècle. Philippe Forest recompose à nouveaux frais le roman somptueux de cette longue existence, avec ses chapitres glorieux et ses pages lugubres. Il révèle le jeu de miroirs par lequel se réfléchissent l'oeuvre et la vie d'un écrivain surdoué à qui aucune des formes de la littérature n'était étrangère. Et si cette œuvre continue à nous toucher, alors que cette vie n'en finit pas de nous déconcerter, c'est qu'elle possède une jeunesse, une insolence, une énergie sur lesquelles le temps n'a guère eu de prise. Aragon a été aimé autant que haï, admiré autant que décrié, à la fois pour de bonnes et de mauvaises raisons. Il ne s'agit dans ces pages ni de l'acquitter ni de le condamner, mais d'en revenir au mystère même de celui dont on a pu dire qu'il avait été sans doute "le dernier des géants de notre temps". Romancier et essayiste, Philippe Forest a également contribué à l'édition des Œuvres complètes d'Aragon dans la Bibliothèque de la Pléiade.
Lire au sujet de livre l'article de François Eychart
Aragon
de Pierre Daix
Poète, romancier, essayiste, militant, Louis Aragon (1897-1982) a vécu au cœur des grands mouvements du XXe siècle l'aventure surréaliste, avec André Breton et Philippe Soupault, la Résistance des écrivains, avec Jean Paulhan, Elsa Triolet, Jacques Decour et Paul Eluard, l'engagement communiste, depuis l'exaltation révolutionnaire des premières années jusqu'au déchirement du printemps de Prague. Sa connaissance intime d'Aragon, ses années de recherches et de réflexion ont fait de Pierre Daix le biographe classique du poète. Le premier, il a révélé le drame d'une enfance sans père et où la mère passait pour la sueur aînée, éclairé les relations d'Aragon avec Drieu la Rochelle, André Breton ou encore Elsa Triolet. La découverte de textes inédits, l'ouverture de nouvelles archives, tant françaises que soviétiques, la multiplication des travaux et des colloques universitaires ont, ces dernières années, apporté de nombreuses informations inconnues et autant de modifications, parfois de révisions, à cette entreprise biographique. Dégageant Aragon de l'hagiographie comme des simplismes et des légendes, l'auteur donne ici au poète sa véritable stature : celle d'un classique du XXe siècle, pour ce qu'il a légué à la poésie et à la prose françaises, mais aussi pour ce qu'il apporte à tous ceux qui cherchent un destin à la mesure de leurs rêves.
Elsa Triolet
Les Yeux et la Mémoire
de Lilly Marcou
«Les écrits, remarquait Elsa Triolet dans «la Mise en mots», sont précédés de leur propre légende et de la légende de l'auteur. J'ai des yeux qui sont ceux d'Elsa. J'ai un mari qui est communiste. Communiste par «ma faute». Je suis un outil des Soviets. Je suis une femme à bijoux. Je suis une grande dame et une souillon. Je suis une moraliste et un être frivole qui fait du tricot, qui brode des histoires. Je suis Schéhérazade, la grande romancière. Je suis la muse et la malédiction du poète. Je suis belle et repoussante. On me bourre de pensées et de sentiments comme une poupée de son, sans que j'y sois pour quelque chose.»
La lucidité de la romancière, soulignée par Lilly Marcou dans sa biographie, n'aura pas été démentie post mortem par des publications de ces dernières années, voire des derniers jours dans la presse. «Elsa Triolet. Les Yeux et la Mémoire» tranche heureusement sur cette littérature-là. L'auteur s'est dégagée des clichés pour plonger aux sources, qu'il s'agisse des recherches du CNRS ou des témoignages des acteurs du temps, et présente le fabuleux parcours dans le siècle qui fut celui d'Ella Iourevna Kagan, un voyage qui croise les plus grandes figures intellectuelles, une aventure au coeur des drames de ce temps-là. Si Lilly Marcou s'attache plus à la figure d'Elsa Triolet, à son destin personnel, qu'à la lecture de l'oeuvre - qui demain restera -, elle donne à voir une femme attachante, seule, pourtant entourée d'amitiés scintillantes (Maïakovski, Jacobson, Chlovski, Ehrenbourg...), réservée à l'égard des passions politiques et pourtant capable des engagements les plus courageux, dans la Résistance ou pour la paix, intransigeante, inquiète, passionnément française - au point de délaisser le russe comme langue d'écriture - et toujours «étrangère» dans le regard des autres.
Précis, attentif aux mots comme aux actes, cet ouvrage dépasse la légende du couple mythique, pour s'attacher aux pas de deux des grands créateurs de ce temps, dont les livres s'entrecroisèrent. On est là fort loin de la «fausse image d'une Elsa diabolique qui aurait possédé le poète, forgée de toutes pièces par diverses sortes de faussaires», selon le mot de Lilly Marcou.
Tout à la fois rigoureuse et aimante, cette biographie qui résume ce que l'on sait aujourd'hui de la romancière - prix Goncourt de l'immédiat après-guerre - suscite un formidable appétit d'aller y voir de plus près, parmi les vingt-sept livres que publia Elsa Triolet.
PATRICK APEL-MULLER
Aragon, la mémoire et l'excès
Olivier Barbarant
Concernant Aragon, l'homme et ses ambiguïtés éclipsent l'oeuvre et ses réussites. Sa poésie souffre particulièrement d'un tel état de fait : trop connue, et donc méconnue, elle se voit réduite à quelques vers célèbres, quelques dates circonscrites, quelques légendes (Elsa, la résistance, l'Histoire...) jamais véritablement lues.
Pour la première fois depuis la mort de l'auteur, ce livre veut donc relire la totalité d'une trajectoire poétique qui ne se réduit ni à l'usage du vers, ni à l'imitation, ni à l'exploitation de quelques grands thèmes. De 1919 à 1982, Aragon débat plutôt avec les procédures poétiques, avec la mémoire d'un genre, avec la sienne, tentant à chaque livre de déplacer et de réinventer un nouveau lyrisme. Collage, montage, intertextualité, dérèglement de la syntaxe, réinvention des formes, la mémoire procure un matériau qu'une systématique et inquiétante pratique de l'excès tente chaque fois de déborder. Libérée des faux savoirs, l'oeuvre alors reprend cohérence : elle est la recherche incessante d'un placement de la voix qui n'a pas fini d'éblouir, ni de donner quelques leçons à la modernité.
Aragon l'inclassable
de Valère Staraselski
De Louis Aragon, l'académicien Jean d'Ormesson assurait qu'il était "le plus grand poète français... un romancier de génie. Et un critique, un essayiste, un polémiste hors-pair. Un écrivain universel pour qui tout était possible et qui ne reculait devant rien... Celui qui, à travers le temps et l'espace, couvrait le plus de terrain. Pendant plus d'un demi siècle, il occupe la scène et domine la situation". Sans conteste, du surréalisme qu'il fonda avec André Breton et Philippe Soupault, aux romans de la fin éblouissants, presque magiques, en passant par le cycle du Monde réel, les écrits d'Aragon constituent l'une des introductions les plus sûres à la connaissance et à l'intelligibilité du vingtième siècle. A partir de La Mise à mort paru en 1965 et de Théâtre/Roman publié en 1974, l'auteur propose une lecture de l'oeuvre dans son ensemble. Les relations de l'écrivain avec la critique, la place et le rôle de l'imaginaire, la conception du roman, du mentir-vrai, le réalisme sont ici envisagés en rapport notamment avec les travaux de Lacan, Althusser, Blanchot, Derrida, Heidegger et l'oeuvre de Lautréamont. Pour Aragon, qu'elle soit poésie, roman, théâtre, chant, peinture, la création "est l'être qui entraîne le savoir au-delà de l'avoir", autrement dit ce qui s'obstine à désigner l'inclassable, à le ramener sous les yeux trop satisfaits du lecteur. On découvre, au fil de ces pages, une oeuvre d'une grande capacité constructrice, d'une haute portée qui en regard de la représentation et de ses implications occupe une des positions les plus fondamentales.
Aragon, la liaison délibérée
de Valère Staraselski
Louis Aragon est un des plus grands écrivains français du XXème siècle. L'un des plus mal connus aussi. Un auteur que nombre de critiques avouent ne pas comprendre. Il est vrai que son itinéraire, fait d'une trame où s'entrecroisent le créateur et le politique, relève de l'exception. L'entrecroisement entre création et politique est si constant chez lui que le risque est réel de trancher pour ne retenir qu'un aspect.
C'est pourquoi l'écrivain et l'homme politique sont ici envisagés dans leur liaison délibérée.
" Cette "liaison délibérée" qui tient ici le rôle-titre se découvre dans l'hommage du Parti Communiste publié au lendemain de la mort du poète : "Bien des écrivains ont pu jouer un rôle dans notre histoire. Mais rares sont ceux qui ont poussé si loin la liaison délibérée de l'écriture et de l'acte politique ". Jean d'Ormesson avait partagé cette façon de voir qui déclarait : "le poète est mort... Qu'il le veuille ou non, il appartient maintenant n'en doutons pas au parti communiste. Mais avec ses ombres et ses lumières, Aragon appartient aussi et surtout à la littérature française".
Le premier, Staraselski, ayant mis le pied en travers de la porte, bloque les pratiques de la police littéraire (héritées du pire stalinisme), le maniaco-décryptage qui sous-tend les pseudo biographies à la mode et qui, espérons-le, leur ouvre les chemins de la disqualification. Guide de haute montagne, Staraselski nous accompagne dans une longue course à travers les Alpes aragonaises et toutes les failles de l'Histoire. Loin des sentiers battus, Staraselski cherche à sa manière : en accumulant faits et textes. Et il trouve. Il était temps ". Francis Crémieux
Compte rendu par
Suzanne Ravis-Françon,
de la biographie d’Aragon
de Pierre Juquin,
(La Pensée, janvier-mars 2014)
Suzanne Ravis-Françon vient de publier un long compte-rendu de lecture, intitulé « Une biographie d’Aragon par Pierre Juquin », dans La Pensée n° 377, p. 129-140, (janvier-février-mars 2014).
Elle y annonce d’emblée le fait que les deux volumes Aragon, un destin français sont « désormais incontournables », et argumente la très grande valeur de cette biographie selon divers axes largement développés et étayés. Tout en regrettant l’absence d’index et de certaines références, et des citations parfois inexactes, elle insiste sur la connivence que construit le biographe avec le lecteur, grâce à divers choix énonciatifs et narratifs et à la multiplicité des anecdotes.
L'écrivain et le livre
ou la suite dans les idées
Préface de Marie-Thérèse Eychart
L'écrivain et le livre est une remarquable synthèse des problèmes esthétiques, sociaux, politiques et idéologiques qui se sont posés aux intellectuels de gauche et en particulier communistes dans les années d'après-guerre. Elsa Triolet mène à sa façon une conversation chargée tout à la fois de passion, d'émotion et de raison, sans jamais ménager les siens. Nous sommes dans le vif de ce qui se construit, dans le vif de l'Histoire qui, comme elle l'écrivit ailleurs, va "continuer sa chanson" dont nous, lecteurs d'aujourd'hui, nous connaissons les réussites et les échecs.
"Aragon théoricien/praticien
du roman"
Revue Études littéraires
Vol. 45.1 – hiver 2014
Sous la direction de Katerine Gosselin (Université du Québec à Rimouski) et Olivier Parenteau
Département des littératures, Université Laval, 2014.
Ce dossier d’Études littéraires veut faire ressortir les principaux axes de la réflexion sur le roman menée par Aragon tout au long de sa vie, en l’abordant fondamentalement comme celle d’un théoricien / praticien. De la même façon qu’il s’est toujours montré réticent à séparer les genres, Aragon a toujours refusé d’envisager le roman et la réflexion sur sa pratique comme deux types d’écrits indépendants.
Les écrits d’Aragon sur le roman prennent des formes diverses (essais, préfaces, entretiens, correspondances, articles, conférences) et sont consacrés aussi bien aux romans des autres qu’aux siens propres. Au fil de ces écrits, Aragon poursuit de manière de plus en plus soutenue une réflexion sur les particularités et les possibilités du roman. L’analyse de ces textes permet d’apprécier les constantes et les invariants de la « pensée romanesque » d’Aragon, d’identifier certaines lignes de force de sa réflexion. C’est bien là l’objectif de ce dossier : faciliter la circulation dans le vaste ensemble des textes où se développe la conception aragonienne du roman.
Aragon, le fond et la forme
Lucien Wasselin
Retrouver, dans le travail poétique de la forme, la cohérence et la logique d’une œuvre, voilà le but fixé par Lucien Wasselin dans cet essai. C’est réussi, car en convoquant les études existantes (Barbarant, Marie-Thérèse Eychart) pour développer sa propre approche, il offre une vision claire en rendant accessible l’ensemble du parcours poétique d’Aragon. Un peu à l’image de cette phrase : « Face aux échecs de sa vie, Aragon met donc en œuvre tout son métier, ce métier qui lui a servi depuis Dada jusqu’à ses poèmes les plus récents », Valère Staraselski, dans La Faute à Diderot.
"Lucien Wasselin est un des meilleurs connaisseurs de l’œuvre d’Aragon et à ce titre il vient de publier un court essai sur celui qui fut un poète national (…) Pour Lucien Wasselin, l’étude de la forme chez Aragon est essentielle afin de comprendre ses écrits. On sait que pour le poète la forme était une quête constante et qu’il a fait du vers une de ses recherches majeures (…) Avec cet essai, Lucien Wasselin expose les caractéristiques de la poésie et de l’écriture d’Aragon, sa virtuosité, ses intentions, tous ces facteurs qui font de lui un écrivain dont l’importance n’est plus à démontrer."
Max Alhau, dans Texture
Tout montre la virtuosité d'Aragon qui prouve ainsi sa totale liberté et son goût de la grande forme qu'il maîtrise avec ce poème et qui ne l'abandonnera plus.